GINKGO BILOBA

Mardi 1er novembre 2011 // Naturaliste

FLEUR DE SAISON : GINKGO BILOBA

Ginkgo Biloba me fascine, et j’espère vous passionnera également, à deux titres : sa merveilleuse histoire et les excellentes, voire irremplaçables, vertus médicinales dont il nous gratifie.

Son aventure débute à l’ère primaire, il y a environ 250 millions d’années, bien avant les fossiles anciens les plus célèbres, tels les ammonites et bélemnites, à plus forte raison avant les dinosaures. Pratiquement inchangé depuis ces époques plus que reculées, conservant des caractères archaïques cohabitant avec des traits que l’on trouve chez les végétaux actuels, ce véritable ‘’fossile vivant’’ a traversé le temps grâce à des vertus que l’on s’efforce actuellement de reconnaître, aux fins de s’en approprier les bénéfices pour notre santé.

Le 6 août 1945, une bombe nucléaire anéantissait Hiroshima, sa population, ses infrastructures, sa végétation. Un an après ce cataclysme, du tronc calciné et totalement irradié d’un vieux Ginkgo situé à un kilomètre et demi de l’épicentre de l’explosion, naquit une pousse bien verte et bien vivante puisqu’elle existe encore aujourd’hui sous la forme d’un grand arbre devenu, depuis, tout un symbole.

Vainqueur du temps qui passe ainsi que de la radioactivité la plus terrifiante, cet arbre est donc un concentré de vertus lui conférant une quasi invulnérabilité , le froid, la sècheresse, les bactéries, les virus, les champignons, les parasites, les insectes, la pollution ne l’affectant pas non plus. Et pourtant, il a bien failli disparaître, sous la pression de l’expansion humaine qui ne lui avait probablement pas reconnu, aux siècles antiques, un intérêt majeur. Le Ginkgo ne dut sa survie qu’aux bons soins des prêtres bouddhistes orientaux, qui le cultivèrent près de leurs temples. Il a depuis, fort heureusement, trouvé des admirateurs grâce auxquels sa culture se pratique aussi bien en Europe, en Amérique qu’en Asie.

Cet arbre, dont certains exemplaires grimpent jusqu’à une quarantaine de mètres, et dont les plus anciens individus affichent gaillardement 4000 ans au compteur, est maintenant l’objet de l’attention des herboristes et aussi de l’industrie pharmaceutique, aussi bien classique qu’homéopathique. En France, c’est essentiellement dans le Sud-Ouest que sa culture industrielle s’est développée.

La feuille, remarquable par sa forme en éventail plus ou moins divisé en deux lobes, est verte, virant au jaune doré à la fin de l’été et en automne. En tombant, elle déploie un magnifique tapis d’or au pied du tronc. C’est d’elle que l’on extrait les substances médicalement actives, qui diffèreront selon la période de maturation

Les extraits de feuilles vertes auront. des indications différentes selon leur mode de préparation. En phytothérapie, leur action s’exercera essentiellement dans le domaine circulatoire : dilatation des artères, protection des capillaires et augmentation du tonus veineux. La fluidité du sang est augmentée et il a été décrit une amélioration de la nutrition des neurones, de la rétine et du nerf optique. Les muscles répondent mieux et plus fortement à l’influx nerveux. Du côté de l’appareil respiratoire, le Ginkgo diminue le spasme bronchique. L’homéopathie recourt à ce remède essentiellement dans les céphalées siégeant à gauche, aussi bien temporales que frontales, surtout si le froid les aggrave. Une autre indication, peu connue mais qui mérite d’être retenue, la crampe de l’écrivain, et sa version plus actuelle de douleur tendineuse du poignet à la suite d’usage prolongé de la souris de l’ordinateur.

Les feuilles dorées de l’automne ont de tout autres talents : si l’on veut bien se souvenir que la catastrophe d’Hiroshima fut déclenchée le 6 août et que , dans la pensée orientale qui reconnaît cinq saisons, la fin de l’été s’ajoutant là-bas à nos saisons classiquement reconnues , l’irradiation atteignit notre brave ginkgo à une période où il était fort occupé à synthétiser les substances qui allaient donner leur couleur dorée automnale à ses feuilles. De ce fait, on trouve à cette époque, et seulement à celle-là, des molécules protectrices contre la radioactivité. Celles-ci permettent de mieux supporter les effets secondaires des traitements par radiothérapie, quelle que soit leur indication. Mais, ceci ne se retrouve pas dans les médicaments issus des feuilles vertes.

Cet arbre, riche de substances analogues à celles qui caractérisaient le monde végétal aux temps les plus reculés, devrait, dans un avenir proche, faire l’objet d’études prometteuses. L’homme a bien failli réussir là où la Nature avait échoué : le faire s’éteindre. Heureusement la tendance s’inverse maintenant, et c’est d’autant plus réconfortant qu’il s’agit d’un arbre magnifique et d’un symbole puissant.

Léon Kerne