RUBUS FRUTICOSUS

Lundi 4 mars 2013 // Naturaliste


La Ronce, tout le monde la connaît.

Que ce soit sous les noms de Mûrier des Haies, Mûrier de Renard, Mûron, Aronce Catimuron, Ronce Noire… cette plante de la famille des Rosacées est présente partout en France et pousse aussi dans pratiquement toute l’Europe. On la trouve aussi en Asie et en Afrique du Nord. Deux mille variétés sont dénombrées en Europe, distinguables à d’infimes détails connus des seuls botanistes expérimentés.

C’est une espèce pionnière des terrains abîmés, particulièrement à son aise dans les fossés, talus, vieux murs, friches de forêts. Elle est une des premières à s’emparer de ce genre de territoires auxquels elle va, d’une certaine façon, redonner vie par son action d’aération et d’oxygénation du
sol. Son emprise sur le territoire impressionne : tous les moyens lui sont bons pour germer, pousser, envahir. Les racines drageonnantes, les tiges qui marcottent dès qu’en contact avec le sol, les graines fécondées ou bien encore obtenues par apogamie (mode de reproduction à partir d’une cellule non sexuée), c’est vraiment l’imagination au service de l’efficacité. Rubus est un ‘’producteur de vie ‘’.


La Ronce s’empresse de former des buissons impénétrables, les ‘’ronciers’’.

Tout en abritant une foule de petits animaux de l’appétit de leurs prédateurs, elle protège également les arbres encore jeunes de la voracité de rongeurs et autres amateurs de bourgeons et d’écorces, comme les chevreuils par exemple.

C’est un arbrisseau qui peut atteindre trois mètres de hauteur, mais ce peut être aussi un sousarbrisseau quand sa taille ne dépasse pas cinquante centimètres.

Peu exigeante quant à la nature du sol, riche en humus ou, à l’inverse, pauvre, la Ronce s’adapte à tous les climats, jusqu’à -25° en hiver, et elle n’est pas plus regardante pour ce qui est de l’ensoleillement, la mi-ombre lui suffisant tout autant que la pleine lumière.

Les feuilles sont structurées en 3 à 5 folioles, vertes sur la face supérieure, d’un vert plus clair tirant sur le blanc sur la face inférieure qui est recouverte d’un fin duvet. On trouve aussi, sur cette face inférieure, des aiguillons qui semblent prendre plaisir à s’accrocher aux vêtements lorsqu’on entreprend de cueillir les fruits. Sur les tiges, les aiguillons dont tout un chacun a, un jour ou l’autre, appris à connaître la bienveillance, poussent d’autant plus qu’il y a de la lumière, s’opposant ainsi aux épines du Prunellier qui résultent, elles, de la mort de la branche.

Ces tiges sont bisannuelles, et ne portent des feuilles que la première année. Les fleurs, et donc les fruits, ne sont présents que la deuxième année. Ces fleurs, comme chez toutes les Rosacées, sont faites de 5 sépales et autant de pétales. Au centre, de nombreux carpelles à un ovule vont donner les graines entourées de la chair sucrée, colorée et parfumée que l’on connaît.


le nom de Ronce viendrait du latin ‘’rumex’’ qui signifie ‘’dard’’. Rubus, lui, vient de ‘’ruber’’, rouge, de la couleur du fruit, et Fruticosus trouve sa traduction dans ‘’buissonnant’’.

Les fouilles archéologiques ont montré que la Ronce était consommée au Néolithique, et, depuis, l’histoire a gardé des traces de son usage, surtout alimentaire et médicinal, mais aussi dans la vie des champs. Pline l’Ancien soignait les affections de la bouche (probablement les aphtes) ainsi que les angines à l’aide du suc obtenu des jeunes pousses.

Galien prétendait traiter les calculs à partir de la racine et les plaies saignantes à l’aide des feuilles, des fleurs et des fruits. Hildegarde Von Bingen préconisait la Ronce pour les affections pulmonaires et ‘’les hémorragies du fondement’’. L’usage populaire, à la même époque, voulait
voir dans cette plante un remède aux diarrhées, maux de ventre et de gencives. Dans certaines régions, les tiges débarrassées de leurs épines, étaient utilisées pour lier les bottes de seigle, les bottes de chaume des toitures et dans la fabrication de ruches.

Cette plante trouve encore maintenant sa place dans les herboristeries pour des indications identiques à celles que les grands auteurs anciens nous ont légué : les inflammations des muqueuses de la bouche et du tube digestif, les hémorroïdes, certaines infections génito-urinaires, les cystites par exemple ainsi que les leucorrhées. En gargarisme, elle peut aider pour traiter angines, aphtes et affections des gencives. Enfin, légèrement fermentées, les feuilles peuvent, en infusion, donner une boisson assez comparable au thé noir de Chine.

Une discipline relativement récente dans l’histoire de la médecine, la phytothérapie par Embryons de Plantes, ou Phytembryothérapie, utilise les bourgeons dans lesquels toute la plante est résumée : la tige, la feuille, la fleur, le fruit. Cette méthode permet d’obtenir des résultats à la fois
différents et supérieurs en puissance par rapport aux extraits secs qui perdent par évaporation une bonne part de leurs principes actifs. Ceci a permis de découvrir d’autres vertus à notre Ronce, et ce, dans plusieurs domaines. C’est ainsi que Rubus trouve une grande utilité dans l’insuffisance respiratoire du sujet âgé, dans l’emphysème, la bronchite chronique. Le bourgeon de Noisetier la complète efficacement dans ces indications. Associé au bourgeon de Ginkgo Biloba, celui de la Ronce aide à ralentir le vieillissement cérébral. Dans l’os et l’articulation, c’est en union avec le bourgeon de Sapin Pectiné qu’il agira contre l’ostéoporose et dans la consolidation des fractures.

Enfin, il faut signaler également son action sur les fibromes utérins et certains cas de néphrites.

Dans la trop vaste famille des plantes mal aimées, c’est – à – dire souvent mal connues, comme l’Ortie par exemple, la Ronce est donc, pour beaucoup d’entre nous, à découvrir, et pas seulement à la fin de l’été…

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…quand on a tant de plaisir à s’en régaler et s’en barbouiller les doigts, la bouche, quand ce ne sont pas les joues…

Léon Kerné